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Evaluations : le management dans l’Education nationale comme un symbole du pompier pyromane

Abandon et vente à la découpe du service public d’Éducation nationale (mis à jour le 04/09/23)
Lundi 4 septembre 2023

Cette année, de nouvelles évaluations nationales seront mises en place pour les élèves de CM1 et de 4e. Par ailleurs, les évaluations d’école font l’objet d’une condamnation assez large, au plan syndical. Cette contestation n’est pas une énième manifestation de l’inertie du corps enseignant, comme se plaisent à le dire les contempteurs de l’Éducation nationale. L’évaluationite c’est la justification du pilotage qui se targue d’une objectivité scientifique pour enchaîner les réformes. Une mise en contexte dans le premier degré, dans le secondaire et, plus largement, dans ce qui s’appelle encore les services publics apporte un éclairage sur une nouvelle offensive du New Public Management.

Alors que la loi Rilhac jette, à pas feutrés, les fondements d’une école hiérarchisée et caporalisée, un deuxième front est ouvert à travers les évaluations d’école.

La machinerie de cette nouvelle arme de guerre libérale est assez simple à décrypter. Ces évaluations s’appuient sur le renforcement hiérarchique induit par la loi Rilhac. Elles reposent également sur tous les dispositifs évaluatifs adossés à des indicateurs quantitatifs générés par les dernières réformes, les fameuses « based evidence policies » : littéralement, politiques basées sur les preuves. Reste à savoir quelles sont les données analysées, choisies et ce qu’on en fait.

Tandis que les évaluations de CP sont contestées par de nombreux pédagogues et par les enseignants, l’instrumentalisation des neurosciences et des résultats qui en découleraient, sert à imposer une approche univoque et surtout inopérante de l’apprentissage de la lecture mais utile dans la communication Macronienne. Il s’agit d’une communication déshumanisée, où le décodage prend le pas sur la compréhension, comme l’illustrent les tests de fluence. Inversement, il est difficile de se procurer les résultats concernant le dispositif « plus de maîtres que de classes » alors que plusieurs didacticiens plaideraient pour un maintien de ce dispositif au détriment des dédoublements de cycle II [1]. Ainsi tout le monde est évalué : les établissements et les élèves. Mais, indirectement, il s’agit, dans les deux cas, d’entrer dans une phase d’évaluation des enseignants afin de mesurer leurs performances. On entre ainsi dans une logique de management.

Ces évaluations d’école n’ont donc aucun objet à part renforcer le management institutionnel. On doit donc à juste titre s’en effrayer mais on doit avant tout les bousculer, les contester. Nous en avons la légitimité, en effet. Comment une institution qui n’est plus capable de recruter ses agents, qui les pousse à démissionner (39 270 en 2022, + 9 % en un an) [2], voire à s’arrêter, s’arroge le droit de demander des comptes à ceux qui portent le système sur leurs épaules ? Les cadres de l’E.N en mission dans les écoles auront-ils l’audace de faire porter l’incurie de cette situation aux enseignants alors qu’ils ont, en toute conscience, participé à cette débâcle ? C’est en cela qu’on peut faire le parallèle avec le syndrome du pompier pyromane car le résultat de ces audits ne pourra que mettre en lumière l’abandon et la vente à la découpe du service public d’Éducation nationale.

Qu’on en juge ! L’école inclusive sert de base arrière au démantèlement du secteur médico-social en se parant de justice et d’équité. Les objectifs assignés par des organismes supranationaux (ONU, UE) sont atteints sur le plan quantitatif. Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ne cesse d’augmenter alors même que les moyens mis à disposition pour permettre de réaliser cette inclusion restent dérisoires. Une pléiade d’articles scientifiques [3] montre l’asymétrie de la politique inclusive française : formation initiale et continue des enseignants indigente, recrutement de personnels précaires et mal formés pour prendre en charge des missions qui requièrent expérience et compétence. C’est donc un changement de paradigme peu coûteux sur le plan financier tant les engagements de l’État (on devrait même parler de désengagements) sont ridicules mais extrêmement onéreux sur le plan des ressources humaines.

Comment un système peut justifier la reconnaissance des droits des personnes porteuses de handicap en pendant d’un système de précarité généralisé dont le sort et le traitement des AESH est le triste témoignage ? La réponse est simple et révélée plus haut : le miracle du New Public Management capable d’affirmer qu’un « cheval bon marché est cher » selon le sophisme prêté à Lewis Caroll [4]. C’est donc à l‘aune de cet argumentaire bâti sur l’école inclusive et une prétendue attention au bien-être des personnels, qu’on se doit d’envoyer bouler les missi-dominici d’une institution qui contribuent à sa propre dégradation tout en remettant en avant les effectifs et les conditions de travail.

On aurait tort de penser que cette destruction n‘est pas délibérée. Elle était portée en germe par les accords de Bologne ratifiés, on le rappellera, par un gouvernement prétendument socialiste. Les réformes du secondaire engagées pendant le mandat de F. Hollande (réforme du collège) et par la paire Blanquer-Macron (Parcoursup, réforme des options du lycée) n’en sont que le prolongement. Elles sortent du même moule et portent la même philosophie : réduire les coûts et ouvrir le service public d’Éducation nationale aux logiques entrepreneuriales, tout en favorisant les partenariats avec le privé. Il ne s’agit pas ici d’une analyse complotiste de plus. L’Éducation nationale est livrée aux griffes d’une logique de privatisation dans un processus similaire à France Télécom, La Poste, la SNCF. La dégradation d’institutions publiques précède leur démantèlement selon un processus bien huilé : introduction d’acteurs privés dans le champ public (comme dans les cités-éducatives) et surtout recrutement de personnels sans garanties statutaires. Le déploiement de contractuels pour assurer des missions d’enseignement n’est donc pas due à l’impéritie des pouvoirs publics : l’affaiblissement des statuts des travailleurs permet de dégrader les conditions de salaires et de résistance aux réformes.

Contre toute attente, nous ne pourrons pas lutter dans nos établissements contre la hiérarchie et contre les liquidateurs du service public par le rejet ou l’ostracisassion de ces collègues.

Le meilleur moyen d’engager un rapport de force et de vaincre reste la solidarité et l’entraide sur les lieux de travail. Nous devons prendre appui sur les statuts et sur les modes d’organisations collectifs pour lutter contre ceux qui tentent de nous anéantir à coup de réformes ineptes.

Management dans l’EN-tract SUD LDC éduc Gre (sept. 2023)

[1https://blogs.mediapart.fr/roland-goigoux/blog/210322/lechec-des-dedoublements-des-cp-et-ce1-en-education-prioritaire / BOUCHARD, P. (2020). Jean-Michel Blanquer, l’Attila des écoles éditions du croquant (p28,62) / Laurent Lima et Marina Tual, « De l’étude randomisée à la classe : est-il suffisant d’avoir des données probantes sur l’efficacité d’un dispositif éducatif pour qu’il produise des effets positifs en classe ? », Éducation et didactique, 16-1 | 2022, 153-162.

[3BROCCOLICHI, S. & GARCIA, S. (2021). « On n’a pas le temps d’aider les élèves en difficulté ! » : Alourdissement du travail des professeurs des écoles et processus de tri des élèves. Sociétés contemporaines, 123, 51-77. KATZ, S., LEGENDRE, F., CONNAN, P. & CHARLES, F. (2021). Ce que font les « besoins éducatifs particuliers » aux professeurs des écoles : L’extension du domaine du handicap comme remise en cause de la professionnalité enseignante. Agora débats/jeunesses, 87, 95-111

[4« Un cheval bon marché est rare, or tout ce qui est rare est cher donc un cheval bon marché est cher. »

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