On a assez entendu la grande annonce du gouvernement : un professeur devant chaque élève. Force est de constater qu’on en est loin. Et ceci ne concerne pas que les enseignants mais aussi les assistants d’éducation (AED), les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), les personnels administratifs … Les causes de cet échec, prévisible, sont aussi connues que diverses, mais il semblerait qu’il faille encore revenir dessus.
Il y a tout d’abord la crise du recrutement et des départs. Si l’on regarde le projet de loi de règlement du budget 20221 dont la partie éducation est rédigée par Gérard Longuet, on constate qu’en 2022, 14 204 emplois n’ont pas été pourvus, c’est-à-dire 1.4% des emplois inscrits au budget. En 2023, ce sont 3163 postes non pourvus sur plus de 23 800 postes ouverts dans le public. Il y a ici deux phénomènes à l’œuvre : le manque de personnes qui passent et obtiennent le concours d’une part et les départs (retraites, retraites anticipées, démissions) d’autre part. G Longuet écrit en effet que ” le nombre d’inscrits aux concours de l’enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020. En outre, le nombre de candidats pour la rentrée 2023 reste très inférieur à celui des années antérieures, ce qui confirme qu’il s’agit d’une tendance lourde et non uniquement d’un effet conjoncturel.“ Pour ce qui concerne les départs, 9 202 n’avaient pas été prévus. Parmi eux, 952 départs à la retraite sont arrivés sans être prévus, ce sont donc des départs anticipés probablement. De plus, le nombre de démissions augmente. Pour 30 959 démissions en 2020, on en compte 35 933 en 2021 et 39 270 en 2022 soit + 3 337 démissions (9%). Si on aime les chiffres, cela est très parlant, si on ne les aime pas, on comprend tout de même qu’il y a un couac.
A ce premier problème, général à l’échelle du pays, s’ajoute un autre, non moins important, mais plus localisé (quoiqu’une étude serait à mener dans les autres académies). Il s’agit du fonctionnement même des rectorats qui, faute de personnels, de personnels formés bien entendu, se retrouvent incapables d’assurer leurs missions. On se retrouve ainsi avec des remplaçants sans affectations alors qu’il y a des besoins autour d’eux, des affectations n’importe où (problèmes géographiques) et n’importe comment (un mi-temps en secrétariat de direction pour un établissement de 1300 élèves). Pour les AED, la situation n’est pas plus brillante. Certains établissements ont des besoins et une personne pour les combler mais le rectorat n’est pas en mesure de fournir le contrat de travail. Il n’est pas non plus en mesure d’envoyer les attestations pôle emploi à celles et ceux qui, n’en pouvant plus, quittent le Titanic de l’Éducation nationale.
Mais ça n’est pas tout, la volonté de vouloir placer d’abord les enseignants contractuels pour ensuite placer les remplaçants titulaires entraîne de nombreux retards, surtout si la personne contractuelle en question décide, à raison, que le poste proposé est beaucoup trop loin. Il faut alors presque un mois pour rectifier le tir et affecter le remplaçant titulaire qui était disponible depuis le début.
Enfin, on peut tout de même remarquer des inégalités de territoires et même une certaine hiérarchie entre des établissements bien placés et bien cotés qui sont largement mieux pourvus (parfois en surnombre concernant les personnels administratifs) que d’autres. Ainsi, un gros lycée de campagne se verra-t-il attribuer un demi poste de secrétariat de direction et des contractuels non formés pour compléter. Il y a peut-être aussi moins de volontaires pour y aller, mais on voit surtout poindre des ordres de priorité.
Enfin, soyons un peu tordu. Ne peut-on pas imaginer que le rectorat tarde à affecter des personnels remplaçants dans les établissements où il y a trop peu de signataires du pacte (remplacement RCD) pour inciter les personnels présents et plein de bonne volonté à signer ce pacte à la diable ?
Mais, finalement, avoir un enseignant devant chaque élève est-il vraiment si important ? De fait, la circulaire sur les remplacements de courte durée mentionne que, le cas échéant, il était possible de mettre les élèves dans une salle, devant un écran, avec des cours du CNED et un AED. Finalement, n’importe qui peut enseigner et un écran vaut bien un professeur en chair et en os. Les brigades de remplacement numérique vont dans le même sens. Dailleurs, quand on y réfléchi, rien que l’attribution des budgets est assez parlante :
- 35 M€ pour accélérer le volet numérique des lycées 4.0 (comme les usines) en Pays de la Loire
- le plan numérique de 2015 prévoyait le déploiement d’1 milliard d’euros sur trois ans
- 10 millions d’euros de plus sont investis sur le numérique éducatif en 2021 par rapport à 2020 soit entre autres 171 millions d’euros, 155 millions d’euros plus une prime d’équipement informatique de 178 millions d’euros
- 500 millions d’euros pour les projets pédagogiques innovants
Et si on employait simplement plus de personnels dans les établissements et les rectorats avec tout cet argent ?
Contacts :
- Anais Giordano (06 47 10 67 12)
- acad-grenoble chez sud-luttedeclasses-education.org
